14/04/22

PAY JOB

Par PAY JOB

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Paroles d'Experts

 

Par Liliana Gallot, Auteure et Formatrice en paie

1.Quels sont les entreprises, les salariés et les niveaux de salaire concernés par la réduction générale des cotisations patronales ?

En termes de typologie d’entreprise, on va retrouver tous les employeurs classiques (les entreprises industrielles, commerciales, artisanales, les associations), mais aussi les régimes à part comme la MSA, La Poste, les marins, les clercs etc. On va exclure les collectivités et les établissements du secteur public, les entreprises régies par certains régimes spéciaux (de type EDF, SNCF, Banque de France) ou encore les particuliers employeurs.

Géographiquement, la réduction générale des cotisations patronales peut être pratiquée en Métropole mais aussi en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à la Réunion. En revanche, pour ces derniers, elle ne peut pas être cumulée avec d’autres allégements applicables spécifiquement pour ces territoires (notamment, Lodeom).

La réduction s’applique très précisément aux salariés titulaires d’un contrat de travail dont l’emploi entraîne l’obligation d’affiliation à l’assurance chômage. Elle vise les niveaux de salaire inférieurs à 1,6 fois le SMIC. Il s’agit d’une réduction dégressive qui devient nulle au niveau de 1,6 fois le SMIC.

2.Quelles sont les cotisations visées ?

Les cotisations visées par cet allégement sont la maladie, la vieillesse, les allocations familiales, le FNAL, la contribution de solidarité pour l’autonomie, une fraction de la cotisation d’accident du travail et de maladie professionnelle (0,59% en 2022), les cotisations de retraite complémentaire (6,01 points dans le cas général) et la cotisation d’assurance chômage (4,05 %).

3.Comment calculer cet allègement patronal ?

La formule de base est assez classique :

réduction générale des cotisations patronales = Salaire annuel brut soumis à cotisations × un coefficient (C)

Pour identifier le C, on applique la formule suivante :

C = (T/0,6) × (1,6 × SMIC calculé pour un an/ rémunération annuelle brute – 1).

Le résultat obtenu pour le coefficient est arrondi à quatre décimales.

Pour le cas général, T est de 0,3195 (quand on pratique un FNAL à 0,10 %) ou de 0,3235 (dans les entreprises avec un FNAL à 0,50 %). Un point de vigilance concerne les taux spécifiques. En effet, le T peut être inférieur pour des salariés qui ont des taux spécifiques propres à leur profession, comme par exemple les journalistes et les VRP multicartes.

4.Quelles sont les étapes du calcul ?

Il faut préciser qu’il s’agit d’un calcul annualisé (année civile) même si on pratique la réduction par mois. Les étapes à suivre:

  • Étape 1 : Identifier le T à prendre en compte en fonction de l’effectif de l’entreprise (mais aussi au niveau des taux spécifiques comme mentionné ci-dessus) et ensuite, faire le rapport entre ce T et 0,6. Noter le résultat.
  • Étape 2 : Réajuster (si besoin) le Smic utilisé dans la formule (par rapport à un temps partiel, par rapport à une absence non rémunérée ou par rapport à un des facteurs supplémentaires [1] fixés par le législateur).
  • Étape 3 : A ce Smic recalculé, rajouter, s’il y a lieu, le nombre d’heures complémentaires ou supplémentaires multiplié par un taux Smic.
  • Étape 4 : Calculer le rapport entre ce Smic annuel et la rémunération annuelle brute soumise à cotisations. En cas d’abattement pour frais professionnels, il faut faire un double calcul et noter les 2 résultats (brut avec abattement et brut sans abattement).
  • Étape 5 : Multiplier le résultat de l’étape 4 par 1,6. Ensuite, enlever 1. Noter le nouveau résultat d’étape.
  • Étape 6 : Multiplier le résultat de l’étape 1 avec le résultat de l’étape 5. Dans certains cas, multiplier par un facteur supplémentaire appelé « b » (en cas de présence d’une caisse de congé payé ou, dans certains cas, pour un salarié travaillant en tant qu’intérimaire [2]). Le résultat représente votre coefficient final.
  • Étape 7 : Ce coefficient doit être limité à T majoré par le facteur b. Dans ce cas, on peut se retrouver avec un coefficient final supérieur à 0,3195 (ou respectivement à 0,3235).
  • Étape 8 : Multiplier le brut soumis à cotisations avec le coefficient identifié dans l’étape 6. En cas d’abattement pour frais professionnels, le résultat ne peut pas être supérieur à 130% du résultat sans abattement (d’où la nécessité de faire un double calcul au niveau de l’étape 4).
  • Étape 9 : Maintenant que vous avez trouvé la réduction générale des cotisations patronales annuelle, il faut déduire ce que vous avez déjà passé les mois précédents pour savoir à combien s’élève la réduction du mois en cours.
5.Est-ce que la réduction générale des cotisations patronales est cumulable avec d’autres exonérations ou allégements ?

En principe, elle n’est pas cumulable avec une autre exonération totale ou partielle des cotisations patronales ou avec l’application de taux ou d’assiette spécifiques (à l’exception de certains métiers comme les journalistes ou les VRP multicartes mais à condition de réajuster le « T »).  Toutefois, la réduction générale des cotisations patronales est cumulable avec la déduction forfaitaire des cotisations patronales relative aux heures supplémentaires.

Pour rappel, la réduction générale des cotisations patronales était cumulable avec les dispositifs d’exonération de cotisations patronales exceptionnelles mis en place dans le cadre des « Mesures covid-19 ».

6.Comment gérer les mises à jour au niveau du SMIC ?

Si le SMIC évolue en cours d’année, le mécanisme est plutôt simple. Comme déjà mentionné, nous travaillons avec un SMIC annuel. Pour calculer cette valeur annuelle en cas d’une ou de plusieurs évolutions au cours de l’année civile, on doit prendre en compte la somme des SMIC mensuels pour les périodes antérieures et postérieures à l’évolution.

7.Comment déclarer cet allégement en DSN ?

Il y a, en effet, des spécificités déclaratives pour pouvoir bénéficier de la réduction. Dans le cadre général, il faut faire une ventilation entre les cotisations Urssaf et les cotisations retraite visées par la réduction. Dans certains cas, il faudra aussi faire une ventilation supplémentaire pour la partie Pôle emploi (par exemple, pour les intermittents du spectacle).  Concrètement, on va appliquer la règle de 3 pour identifier la part de l’Urssaf par exemple.

8.Quels sont les points de vigilance, de contrôle et les bonnes pratiques à adopter ?

Pour moi, il y a déjà 2 prérequis du point de vue organisation des contrôles :

  • Il faut que le gestionnaire en charge soit formé pour effectuer ce contrôle correctement (je pense très précisément à une/des formation.s de perfectionnement et de mise à niveau car la législation évolue rapidement)
  • Il faut qu’il y ait des temps prédéfinis et calés dans les agendas où on sait qu’il travaille sur ce sujet

On s’imagine souvent que le gestionnaire de paie peut faire ce type de contrôle rapidement entre 2 bulletins. C’est une vision assez fréquente alors que la liste des points de vigilance est assez longue. D’ailleurs, en cas d’écart, ça prend un certain temps pour identifier d’où vient le problème, quelle est la bonne démarche pour régulariser cela etc. Par ailleurs, l’impact financier peut être  très important. Pour vous donner une idée, pour un salarié au Smic, la réduction générale des cotisations patronales permet de ne payer que 5% en plus par rapport au brut. Pour une rémunération de 4000 euros brut, on va être dans les 43% de charges en plus du salaire brut. Dans cet exemple, il n’y a pas que la réduction générale des cotisations patronales qui entre en jeu mais son impact dans cette variation est plus qu’important.

Les points de vigilance les plus fréquents sont les suivants :
  • Prendre en compte le profil sur le bulletin de paie (un mandataire par exemple n’entre pas dans le champ d’application de la réduction)
  • Faire la calcul dans le « bon » ordre
  • Réajuster le T si besoin
  • Réajuster le SMIC par rapport à des spécificités contractuelles, par rapport à des absences etc.
  • En cas d’absence, exclure les primes non impactées par cette absence dans le réajustement du SMIC
  • Prendre en compte le « bon » brut dans la formule
  • Si besoin, appliquer les « facteurs » supplémentaires indiquer à l’article D241-10 du Code de la Sécurité sociale
  • Si besoin, faire attention au plafonnement de la réduction en cas d’application de la déduction spécifique pour frais professionnels
  • Faire attention à ce que la régularisation progressive fonctionne correctement
Les bonnes pratiques à mettre en place :
  • Analyser le récapitulatif des bulletins pour savoir s’il y a des spécificités (profils, taux ou rubriques spécifiques) et pour identifier la typologie d’un éventuel échantillon.
  • Avoir un tableau type d’analyse (sous Excel) pour tous les gestionnaires qui travaillent sur ce contrôle.
  • Pour gagner du temps et se concentrer sur l’analyse des données (et non pas la saisie), préparer en amont une extraction des données utilisées pour la formule (données contractuelles, paie, DSN). Il est donc primordial d’avoir un logiciel de paie qui soit en mesure de proposer ce type d’extraction.
  • Constituer un échantillon tout en croisant des profils paie différents et des rubriques variées.
  • Suivre ces échantillons sur la durée.
  • Sauvegarder ces contrôles dans un dossier spécifique dédié pour la traçabilité.

9.Quel est le lien entre cette réduction et d’éventuels risques Urssaf ?

Avant de parler de risques, je trouve qu’il faut encore une fois souligner qu’on est dans une logique surtout de « maîtrise » de la masse salariale. Comme évoqué, en fonction aussi du niveau de salaire, le coût employeur est vraiment inférieur si on applique la réduction générale des cotisations patronales correctement. D’ailleurs, il y a des entreprises qui vivent de ces « recherches » d’économie et notamment, les sociétés d’audit.

Ensuite, un sujet non négligeable quand on parle de risques Urssaf concerne le fait que cet allégement peut être appliqué sous condition d’être un « bon » cotisant. Le bénéfice peut très précisément disparaître en cas de constat de travail dissimulé ou de fraude au chômage partiel par exemple. Dans ce cas, non seulement on ne peut plus bénéficier de la réduction générale des cotisations patronales mais en plus, l’entreprise devra procéder au remboursement sur la période de fraude constatée.

Enfin, nous avons vu le nombre d’éléments qui peuvent entrer en jeu dans le calcul de la réduction générale des cotisations patronales. Je ne dirais pas que c’est compliqué, mais c’est complexe  sachant que la réduction générale des cotisations patronales est un des sujets phares durant un contrôle Urssaf, c’est un des premiers postes qui sera analysé. Le coût d’un éventuel redressement va varier en fonction de la masse salariale et du/des problème.s relevé.s. Si par exemple, on a appliqué la réduction générale des cotisations patronales sur un profil non visé par cet allégement, il va falloir rembourser les sommes sur 3 ans. S’il y a eu des erreurs qui ont conduit à un montant de réduction générale des cotisations patronales supérieur à ce dont avait droit l’entreprise, cette dernière devra rembourser la différence. À cela, il faut ajouter les pénalités et les majorations de retard.

Un dernier point de vigilance : les réajustements que l’on fait au niveau du SMIC sont commun avec ceux que l’on devrait exécuter pour déterminer l’application des taux réduits sur les cotisations Maladie et Allocation Familiales. Très concrètement, si vous avez des erreurs sur vos calculs de réduction générale des cotisations patronales, vous avez très certainement des erreurs également sur les 2 cotisations précitées, ce qui potentiellement peut générer des redressements encore plus importants.

[1] Se référer à l’article D241-10 du Code de la Sécurité sociale

[2] Idem

Formations animées par Liliana GALLOT:

  • Maîtriser réduction générale des cotisations patronales
  • Établir la dernière paie et le solde de tout compte
  • Calcul des indemnités de rupture et leur régime social et fiscal